NOHA
Témoignage : « Notaire associé, je suis désormais hypnothérapeute »
Nicolas Lebettre à 51 ans. Pendant près de 13 ans, il a travaillé en tant que notaire associé dans sa Bretagne natale. Aujourd’hui devenu hypnothérapeute, il est enfin épanoui et serein. Pour Noha-Notaires, il revient sur ses années dans le notariat mais également sur son changement professionnel radical. Témoignage poignant d’une vie pas comme les autres !

« Je suis arrivé en fac de Droit sans trop savoir ce que j’allais y faire. Mais le sujet m’intéressait, et en quatrième année s’est posée la question de savoir vers quoi aller. Le père d’un de mes meilleurs amis était notaire et je l’adorais. C’était un homme plein de fantaisie, très drôle. J’ai pensé que si c’était ça un notaire, alors je voulais être notaire. Contre toute attente, j’ai eu le CFPN, et j’ai fait mon stage de fin d’étude chez ce même notaire. Après quelques années, j’ai eu l’opportunité de devenir notaire salarié dans cette étude.
Au moment où je prêtais serment pour devenir salarié, j’entendais parler d’une opportunité de devenir notaire dans les Côtes-d’Armor, complètement par hasard. À l’époque, j’appelais ça du hasard. J’ai compris plus tard que c’était simplement mon chemin. D’ailleurs, il s’est avéré que c’était l’étude de mon grand-père maternel ! Les minutes à son nom étaient toujours présentes à l’étude. À 33 ans, je m’associais donc dans cette étude. J’avais alors déjà 3 enfants, et avec ma femme psychologue, nous avons eu une vie bien remplie.
C’était une vie intense, stressante, mais que personnellement j’aimais bien.
J’adorais ces liens humains, j’aimais écouter les autres et leur donner des conseils, cet aspect à la fois technique et profondément humain du métier. J’aimais beaucoup aussi la camaraderie dans le notariat, même si c’est possible que ce ne soit plus la même chose aujourd’hui.
Le fait de bien gagner ma vie était aussi bien évidemment important. Je gagnais bien ma vie, mais pour moi, ça n’a jamais été légitime. Je ne voyais pas le lien entre ce que je faisais et la masse d’argent que je recevais. Et comme pour moi l’argent devait être dépensé, je le dépensais. L’argent était un coefficient de sécurité pour être plus serein dans ma vie, mais en réalité, c’était tout l’inverse car cela entrainait une pression permanente pour maintenir le même niveau financier d’années en années. Nous étions dans les années 2000, le marché de l’immobilier était complètement délirant. Et puis est arrivée la crise de 2008 - 2009.
J’ai pris la crise en pleine tronche. J’ai été obligé de licencier à l’étude et ça m’a mis à genoux. C’est le premier signe que je n’ai pas écouté. J’étais de plus en plus stressé, je voyais de moins en moins de sens dans ce que je faisais, je commençais à m’abimer : j’avais des douleurs de dos très présentes, mon mal-être augmentait et je n’en avais pas conscience. Je me définissais comme fêtard, c’est-à-dire que j’étais très sérieux en semaine et le week-end, je m’éclatais. Mais ça, ça s’appelle de l’alcoolisme, ni plus ni moins. On parle d’alcoolisme mondain parce qu’on a tendance à décrire nos failles joliment.
Fin 2012, je me renferme de plus en plus. Je ne suis plus capable de communiquer, je ne comprends plus la société, ce que je fais, l’intérêt que cela a. Chaque fois que je signe un acte, j’ai la peur au ventre. J’ai beau faire très attention et être extrêmement rigoureux, j’estime avoir des failles partout. Je considère que si j’ai mes diplômes, c’est par chance et non par qualité. Je suis en prise directe avec mes failles de toujours, je me retrouve face à ce que je n’aime pas chez moi, notamment face à mes peurs. Je commençais souvent le rendez-vous en disant aux clients qui s’ils voulaient taper sur quelqu’un, c’était sur moi ! En réalité, je n’arrivais à pas mettre les choses à distance : les états parasitaires, la mérule en Bretagne, les notaires mis en examen,… Tout cela m’angoissait. Ma plus grande peur était qu’on remette en cause ma probité, mes valeurs.
En mars 2013, c’est une évidence pour moi : si je continue comme ça, ça va mal se passer.
Je vois la catastrophe arriver : une maladie à la con ou un platane mal placé sur la route. Par intuition, je décide donc de retourner voir une thérapeute avec qui j’avais déjà établi des liens de confiance. Dans son bureau, je me vide de tout mon désespoir, de toutes mes peurs. Il faut que j’arrête mon métier de notaire. Le gros problème, c’est que je ne sais pas quoi faire d’autre, ni même si je suis capable de faire quoi que ce soit d’autre.
Je sors du cabinet avec cette certitude que je dois arrêter, mais je ne sais pas comment l’annoncer à ma femme. Alors, je lui écrit une lettre. À l’époque, nous avons quatre jeunes enfants, une maison, un terrain acheté pour construire, des emprunts,… Tout est remis en cause. Ma femme est terrorisée, mes enfants très étonnés, mais comme tous les enfants, ils me font confiance. Nous décidons de vendre la maison, le terrain, de nous installer en location et surtout, de vendre mes parts de l’étude.
J’ai mis en vente mes parts au début de l’année 2014, au moment même où la loi Macron sort et gèle toutes les cessions de parts. Pendant près de deux ans, les dossiers de cessions n’ont plus été instruits. J’ai donc dû continuer à exercer. J’étais au fond du gouffre : j’avais l’impression d’être en prison. Au cours de cette période, j’ai commencé une formation en thérapie car au cours de mon chemin, j’ai compris ce pour quoi j’étais fait. J’ai laissé la vie me montrer le chemin, j’ai testé beaucoup de choses, j’ai beaucoup lu. Je me suis ouvert à la spiritualité. Me former m’a aussi permis de me guérir, de découvrir mes peurs et le sens de ce que je vis.
En 2016, nous avons finalement trouvé mon successeur. Je relance le dossier de cession, et j’arrive enfin à faire la paix avec le notaire en moi. C’est comme si ce temps avait été nécessaire et indispensable pour ne pas partir avec la haine dans le ventre. Sur les derniers temps, j’avais hâte de quitter le notariat, mais j’étais à l’aise dans mon activité, je n’avais plus mes peurs qui me tiraillaient. Alors forcement, on me demandait pourquoi je voulais encore quitter le notariat. Moi, je répondais que ce que je faisais n’avait plus de sens pour moi. Je n’avais plus envie de m’occuper du patrimoine de mes clients, je souhaitais plutôt m’intéresser à leurs émotions. Une fois la décision prise, je ne l’ai plus jamais remise en cause.
Si devenir hypnothérapeute s’est révélé être une évidence pour moi, mon entourage a lui été très étonné.
Je pensais que tout le monde allait me dire que j’étais complètement fou, mais les réactions étaient plutôt un mélange d’étonnement, de curiosité et d’émerveillement. Beaucoup de gens voient le fait de quitter le notariat pour faire complètement autre chose, un peu comme un fantasme. Mais je ne peux pas projeter mon histoire sur les autres. Quand je rencontre quelqu’un qui travaille dans le notariat et qui n’est pas bien, je ne lui dis pas forcément qu’il doit changer de métier. Moi, je ne pourrais plus travailler dans ce milieu, mais c’est ma croyance à moi.
Aujourd’hui, ce sont des gens en burn-out, qui ont des douleurs chroniques, des pathologiques que la médecine ne reconnait pas, qui ne savent plus où ils en sont ou qui veulent faire le point sur eux même qui viennent me consulter. Je les invite à aller comprendre en eux ce qui leur arrive. Nous avons accès à un trésor qui est enfoui en chacun de nous et c’est en nous connectant avec nous même qu’on peut le découvrir. Le travail que je fais avec ceux que j’accompagne, c’est qu’ils s’acceptent comme ils sont, avec leurs émotions. Il ne faut pas « gérer » ses émotions, il faut les accepter. Ce que je fais pour moi-même, je le fais pour ceux que je reçois.
Je me remercie tous les jours depuis cinq ans. Chaque jour, j’aime ce que je suis devenu, le temps que j’ai pour moi et la possibilité de pouvoir aider les gens. Je n’ai jamais eu de regret d’avoir quitté le notariat, malgré les difficultés, les différences de revenus. Nous avons adapté notre budget. Je n’ai plus besoin de paradis artificiels pour me faire plaisir, j’ai arrêté de fumer, je bois très raisonnablement.
Je ne suis pas un exemple de sagesse, mais j’ai accepté toutes mes parts d’ombre.
L’évidence d’écrire mon histoire s’est présentée à moi un jour, comme si j’étais guidé par quelque chose. J’ai écrit ce livre pour dire que je ne suis pas un irresponsable, ou un aventurier, et que j’ai réussi à le faire, alors c’est possible. Nous avons tous en nous pleins de ressources et de capacités que nous ignorons totalement. J’ai eu beaucoup de retours de membres du notariat après la publication de mon livre. L’immense majorité était positive. Il y a des anciens confrères qui n’osent pas le lire, de peur de ce qu’ils pourraient y trouver, d’autres pour qui la lecture leur a fait du bien, comme si je racontais leur histoire, certains qui ont eu une vraie prise de conscience de leur souffrance,…
À tous les notaires qui souhaitent se reconvertir, je leur dirai de ne pas rester seul ! Il faut accepter d’aller en parler, c’est indispensable. Il y a toujours des solutions. La vie nous offre beaucoup de cadeaux, mais tous les cadeaux ne sont pas emballés comme on le voudrait ! »
Le parcours de Nicolas vous inspire ? Vous pouvez retrouver son le livre juste ici !