NOHA
Témoignage : «Je suis associée dans l’étude où j’étais notaire stagiaire.»
Elle a un parcours professionnel qui a de quoi faire rêver de nombreux diplômés notaires. Une fois son M2 droit notarial en poche, cette future notaire intègre une étude parisienne dans laquelle elle devient notaire salariée sept ans plus tard. Trois ans après, à 32 ans, elle s’associe dans cette même étude.
Elle témoigne pour NOHA et nous raconte les étapes de sa fulgurante ascension.

« J’ai un parcours universitaire classique. Après des études de droit dans la ville dont je suis originaire, je suis arrivée à Paris pour mon master 2 Droit notarial. Au cours de mes études de droit, j’avais seulement fait un stage d’un mois chez une de mes tantes qui est notaire. Je me souviens que j’ai passé trois entretiens pour mon stage de DSN. Deux de ces entretiens étaient dans des grandes études parisiennes, où j’aurai travaillé uniquement sur des dossiers ultra-spécialisés en droit international, et en anglais. Le troisième entretien était dans l’étude où je travaille encore aujourd’hui, avec les deux associés de l’époque, dont un qui est désormais mon associé. Je souhaitais avoir une expérience dans une étude à taille humaine, et surtout plus généraliste et c’est ce qui m’a plu dans cette étude. Je ne souhaitais pas trop me spécialiser lors de mon premier stage, tout en me disant que cela resterait probablement une première étape avant de changer d’étude pour me spécialiser.
Assez vite, j’ai eu la chance de travailler dans les différents services de l’étude. Pendant mon stage de deux ans, j’ai commencé en droit de la famille avec une clerc habilitée qui avait beaucoup d’expérience. Auprès d’elle, j’ai pu me former rapidement en droit de la famille. Un an après, en 2008, la crise a touché le notariat. Une collaboratrice n’a pas été gardée en actes courants. Quand l’activité a repris quelques semaines plus tard, j’ai été transférée dans le service d’actes courants. J’étais très contente de changer de service, et de me former sur un autre sujet. J’ai tout de suite encadré une clerc de notaire qui avait à peu près mon âge. Je suis restée deux ans dans ce service, et assez rapidement on m’a donnée tous les dossiers qui sortaient de l’ordinaire comme du droit des sociétés, du DIP, du financement, des baux photovoltaïques... Je travaillais avec des personnes et des associés différents. C’est comme ça que j’ai appris et que je me suis formée de manière plus complète.
"L’idée était que je fasse un second master, et qu’à l’issue je sois nommée notaire salariée. Il était clair qu’une fois salariée, je deviendrais à terme associée."
La question de changer d’étude s’est véritablement posée au bout de quatre ou cinq ans. J’ai eu envie de bouger, parce que c’est souvent lorsqu’on bouge qu’on évolue. J’ai passé un entretien dans une étude qui m’avait démarchée, mais finalement ça ne m’a pas plu. A ce moment, j’ai annoncé aux associés de mon étude que je réfléchissais à changer d’étude. Ils m’ont alors proposée de me faire évoluer. L’idée était que je fasse un second master, et qu’à l’issue je sois nommée notaire salariée. Il était clair qu’une fois salariée, je deviendrais à terme associée. Cela a été dit clairement, seul le timing n’était pas défini. Et c’est ce qui s’est passé : j’ai fait le M2 de droit fiscal notarial de Dauphine. A la sortie, nous avons effectivement lancé mon dossier de notaire salariée. En même temps, la deuxième associée commençait à lever le pied en prévision de son départ en retraite. Trois ans après ma nomination comme notaire salariée, je m’associais en reprenant la suite de la notaire qui m’avait formée et qui partait en retraite.
Je pense que me proposer de faire une formation complémentaire en vue de ma nomination était une tactique de la part des associés pour me motiver et pour me garder plus longtemps. Et ça a fonctionné car je me suis prise au jeu ! D’ailleurs, je trouve que c’est un vrai plus d’avoir un complément à la formation initiale. Que ce soit pour s’associer, ou simplement être notaire, ça permet d’avoir un deuxième prisme. En revanche, je pense que c’est bien de le faire lorsqu’on a déjà un peu d’expérience et de recul. C’est bête, mais avoir le statut de notaire dans les formations inter-professionnelles, ça permet d’avoir un vrai positionnement et de se faire un réseau, au delà de la technique qu’on apprend.
C’est difficile de dire comment je me suis démarquée dans l’étude ! C’est peut être un peu présomptueux, mais ça s’est toujours bien passé. Je me suis toujours bien entendue avec les associés. Sans être amis, nous avions une bonne relation de travail, et surtout beaucoup de confiance. Dès le départ, j’ai senti une véritable considération. L’association s’est donc faite presque naturellement, même s'il est certain que j’ai beaucoup travaillé pour ça. C’était un travail de fond en quelques sorte. Je m’entendais très bien avec les deux notaires historiques, dont l’un est devenu mon associé. J’ai repris la suite de l’associée qui m’avait formée. A l’époque, les notaires présentaient à la chambre les nouveaux notaires. L’associée m’avait présenté comme sa fille spirituelle. Ca m’avait beaucoup touchée.
Nous étions deux notaires stagiaires à arriver à peu près en même temps à l’étude. Pour ma part, je n’ai pas eu le sentiment qu’il y avait eu de la compétition. J’avais l’impression d’avoir ma place, et je faisais mon trou de mon côté sans me comparer. En revanche, je ne pense pas que cette personne a le même ressenti. Elle a démissionné quelque temps après l’annonce de ma nomination en tant que notaire salariée, sans que je sache si c’était lié ou non. Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai été nommée, et pas elle. Je pense que c’est principalement une question d’affinité et de confiance, car elle était tout aussi bonne juriste que moi. Je pense qu’il y a aussi une question de volonté.
Dès mes débuts dans le notariat, je savais que je voulais devenir notaire. Le statut de libéral, de chef d’entreprise m’a toujours intéressé, même si quand on commence, on n’est pas du tout formé sur le sujet. Pour le coup, j’ai toujours trouvé que c’était l’un des intérêts du métier. Il a l’intérêt technique et relationnel, certes, mais il y en a d’autres. Au delà de l’intérêt financier, il y a l’intérêt de gérer une équipe et une entreprise. Je trouvais que c’était un challenge intéressant. J’avais également l’exemple de ma tante qui est associée, et je ne voyais aucune raison de ne pas l’être. Je me sentais capable d’être associée. En revanche, je voulais beaucoup plus m’associer que créer. La création d’étude ne m’a jamais trop attirée. Devoir tout commencer de zéro, je pense que ça m’aurait un peu effrayée. Et puis, j’aime beaucoup pouvoir échanger et travailler en équipe avec mes associés.
Une des choses les plus dures lorsqu’on devient associé dans une étude où on est arrivé stagiaire, c’est de gérer les relations avec ses anciens collègues et ses anciens patrons. La relation n’est plus tout à fait la même. Je ne pense pas m’être transformée du jour au lendemain. Je continue de tutoyer ceux que je tutoyais avant, mais maintenant je vouvoie ceux qui arrivent dans l’étude.
Je pense que tous les collaborateurs ont aussi été intelligents dans la manière dont ça s’est fait. Après, lorsque j’ai été nommé notaire salariée, je n’avais pas d’amis proches dans l’étude. Le changement s’est donc fait naturellement. La seule personne qui avait un parcours similaire étant partie peu après, il n’y avait pas réellement de comparaison. Quelque part, j’étais plutôt contente de ne pas avoir à affronter ce genre de situation. Ca aurait été plus compliqué à gérer qu’autre chose.
C’est parfois un peu compliqué avec les associés déjà en place. Forcément, il y avait toute une partie de gestion de la boîte qui était entre de bonnes mains depuis longtemps. Ce n’est pas toujours évident de remettre en cause certaines choses, certains process, et parfois de s’opposer à son associé qui était avant son patron.
En revanche, je n’avais pas peur de m’associer à 32 ans, parce que je connaissais très bien l’étude, avec ses qualités et ses défauts, et les personnes avec qui je m’associais. Je pense que c’est le gros avantage : je savais où je mettais les pieds, et je savais qu’on arriverait à bien s’entendre et à travailler ensemble.
Avant d’être associée, je n’imaginais pas tout ce qu’il y avait à faire au niveau de la gestion de la boîte. La boîte tourne, mais elle ne tourne pas toute seule. Quand on est collaborateur, on a le nez dans les dossiers et on ne se rend pas compte de ce qui doit être fait. Par exemple, pour qu’il y ait du café, il faut savoir qui le commande parce que si cette personne s’en va, personne ne commandera du café. C’est des choses toutes bêtes, mais qui nécessitent de prendre du temps.
La partie management prend beaucoup plus de temps que ce que j’imaginais. Je me suis formée sur le tas, en voyant ce qui se faisait et en discutant. Et mon associé m’avait offert le livre Le management pour les nuls !
"Il faut se repositionner en chef d’entreprise et être moins « les mains dans le cambouis ». Et ça, on ne l’apprend pas avant d’être notaire."
Plus généralement, on prend conscience que c’est bien de traiter ses dossiers, d’être disponible pour ses clients, mais que ce n’est plus notre coeur de travail et notre rôle. Il faut se repositionner en chef d’entreprise et être moins « les mains dans le cambouis ». Et ça, on ne l’apprend pas avant d’être notaire. Une heure passée à ne pas travailler sur les dossiers pourrait être vue comme une heure perdue, mais en réalité c’est indispensable. Il faut réussir à se repositionner comme notaire, et plus comme collaborateur. Ca consiste à être moins dans l’opérationnel, et plus dans la gestion.
Actuellement, une des principales difficultés c’est de réussir à garder un équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle. Il faut garder du temps pour soi, du temps pour bien travailler et du temps pour être disponible pour ses collaborateurs. J’essaie aussi de rendre ce que j’ai eu : j’ai progressé parce que j’ai eu la chance d’être formée. Mais c’est difficile de trouver le temps pour tout faire - développer l’étude, chercher de nouveaux clients, être bon juridiquement et se maintenir juridiquement- tout en ne travaillant pas jour et nuit.
Dans une autre étude, j’aurais très bien pu ne pas avoir le même parcours. Il y a forcement une part de chance, mais il y a aussi du travail et de la volonté. Dans tous les cas, il faut avant tout travailler pour soi. Tout ce qu’on apprend pendant son stage et sa première expérience profite à l’étude, mais il faut le voir comme une expérience qu’on se construit pour soi. A défaut de changer d’études, je pense qu’il est important de faire des formations extérieures pour rencontrer d’autres notaires avec des parcours différents. Personnellement, mes formations en droit fiscal et en DIP m’ont beaucoup apportée et ont comblé le manque de réseau et d’expériences extérieures que j’avais en étant restée dans la même étude.
Finalement, c’est largement faisable de s’associer dans l’étude où on a commencé stagiaire. Après, évidemment, il faut être bon juridiquement, et travailler. On n’a rien sans rien. A l’étude, on croit beaucoup dans la valeur travail. Aucun des notaires associés n’est fils ou fille de notaire. Après, il ne faut pas travailler bêtement : il faut se poser les bonnes questions, parler avec d’autres personnes et ne pas hésiter à se former différemment pour avoir une autre vision. »