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Réduire le stress dans une étude notariale : ambition réaliste ou utopie ?
Combien de collaborateurs ou de notaires se sont déjà réveillés la nuit en pensant à leur dossier ? Combien ont déjà appréhendé un lundi matin à l’étude ? Le stress, c’est le fléau du notariat. Il épuise les collaborateurs et les notaires, parfois même jusqu’à les faire envisager de tout plaquer pour aller élever des chèvres dans le Larzac. Si c’est votre cas, avant d’en arriver à cet extrême, interrogeons-nous sur cet état psychologique. Plongée au cœur du stress dans les études notariales.

Ok, tout le monde est stressé dans le notariat, mais pourquoi ?
En 2011, le Ministère du Travail a rendu un rapport sur les risques psychosociaux au travail. Dans ce rapport, les causes de stress au travail sont listées, et on retrouve parmi elles de nombreuses causes qui correspondent en effet au quotidien dans le notariat.
Comme on pouvait s’en douter, l’intensité du travail est un facteur de stress important. Un nombre trop important de dossiers par tête, des délais insuffisants, … À cela s’ajoute pour les notaires salariés ou titulaires les responsabilités considérables. Et oui, n’oublions pas qu’à chaque signature, un notaire peut engager sa responsabilité (la prison, ça fait toujours un peu peur).
D’après ce rapport Gollac, les exigences émotionnelles dans un métier sont également un facteur de stress. Par exigences émotionnelles, on entend par exemple le fait de devoir refouler ses émotions face à un client qui laisse transparaitre son chagrin. Dans les études, et notamment dans les pôles Droit de la famille, les notaires et collaborateurs sont très régulièrement face à des clients en situation de deuil et de souffrance. Les membres du notariat doivent savoir garder une posture humaine et empathique, tout en adoptant des émotions lisses et professionnelles ce qui peut être plus difficile à vivre que dans un autre métier. Le rapport cite également les comportements parfois agressifs des clients qui, s’ils ne sont heureusement pas quotidiens, existent parfois dans le notariat. Avoir un métier qui suppose d’être en contact avec les clients peut en effet exposer à des agressions symboliques, verbales et parfois mêmes physiques. On comprend mieux pourquoi certains s’intéressent aux chèvres du Larzac.
Parfois, à trop vouloir compartimenter les tâches et les collaborateurs, la productivité espérée ne vient pas car les collaborateurs ne sont pas épanouis.
Il semblerait que des procédures rigides au travail, l’impossibilité d’être créatif et des tâches répétitives et monotones sont aussi des facteurs de stress. On atteint ici les limites de la recherche de productivité dans les études. Parfois, à trop vouloir compartimenter les tâches et les collaborateurs, la productivité espérée ne vient pas car les collaborateurs ne sont pas épanouis. On ne le dira jamais assez : les collaborateurs ne sont pas des robots.
Sont également mis en cause dans le rapport Gollac le manque de reconnaissance (Lire notre article : Satisfait de votre collaborateur ? Dites-le lui !) et le manque de soutien social dans l’environnement du travail. L’absence de bienveillance, de remerciement et de lien dans une étude peuvent donc largement impacter le niveau de stress des collaborateurs.
Enfin, il est évoqué les conflits de valeurs au travail comme une source de stress. Plusieurs anciens collaborateurs du notariat interrogés citent d’ailleurs cette raison lorsqu’ils expliquent leur départ du notariat. Ils expliquent n’être plus en phase avec l’organisation du travail dans les études qui privilégient parfois la quantité et le rendement des dossiers plutôt que la qualité du service rendu aux clients.
On pourrait bien évidemment ajouter à cette liste non exhaustive la difficulté à conjuguer sa vie professionnelle et sa vie privée, la pression des clients qui sont dans des moments clefs de leur vie, la règlementation de plus en plus considérable, … Finalement, heureusement que le monde du notariat est aussi et surtout un monde passionnant qui allie contact humain, conseil et réflexion juridique.
Concrètement, quels sont les impacts de ce stress quotidien ?
Il est fréquent de se dire stressé sans véritablement prendre conscience de ce que cela engendre. Etre stressé, quotidiennement, pendant des années, ce n’est pas vivable.
Les impacts psychologiques du stress
Dans la vie sauvage, le stress est un mécanisme qui peut sauver la vie des animaux. Chez les humains, les mécanismes du stress qui nous permettaient il y a fort longtemps de surmonter les dangers imminents sont devenus chroniques. Même en l’absence de menace mortelle, nos corps réagissent de manière excessive, avec de véritables changements hormonaux. Si parfois ces changements peuvent être positifs (on parle alors de « stress positif »), quand ils sont chroniques, ces changements hormonaux sont à l’origine d’anxiété, de troubles du sommeil, de problèmes digestifs et parfois même de burn-out. En d’autres termes, ce qui était censé nous sauver la vie nous rend désormais malade au travail. En France, les maladies mentales seraient la première cause d’invalidité, et le deuxième motif d’arrêt du travail.
Les impacts du stress sur la productivité dans les études
Qui dit stress, dit collaborateurs (et aussi parfois managers) au bout du rouleau : absentéisme, démotivation, erreurs répétées, turnover dans les études. Pour améliorer la productivité dans son étude, une des pistes est donc de chouchouter les membres de l’équipe.
Les impacts financiers du stress (et oui !)
Selon un rapport de la Cour des Comptes en date de 2011, la mauvaise santé psychique des salariées couterait plus de 100 milliards d’euros par an en France. Le journal Les Echos a même estimé que le mal-être au travail coûterait 13 500 euros par an et par salarié ! Ça pique pour les études notariales, sachant que selon le poste et le niveau de responsabilité, remplacer quelqu’un peut coûter beaucoup plus cher.
Reprenez le contrôle sur votre stress
On a tendance à penser que le stress est quelque chose de difficilement contrôlable. Pourtant, que vous soyez notaire ou collaborateur, des solutions existent… si vous vous en donnez les moyens.
Prenez les problèmes à la racine et posez-vous les bonnes questions.
Identifiez votre niveau d’implication : Déterminez pour chaque tâche à quel point vous devez vous investir. Cela vous évitera de bâcler une tache importante, ou d’en faire plus que nécessaire (ce qui, en soit, n’est pas une mauvaise chose, mais ce n’est pas nécessaire en cas de rush par exemple).
Identifiez ce qui vous pose problème dans votre environnement de travail : un management de mauvaise qualité ? Un conflit sous-jacent ? (Lire notre article : utiliser la communication non violente dans le notariat). Osez dire à haute voix vos inquiétudes, discutez-en et trouvez à plusieurs une solution.
Et puis franchement, vous pensez vraiment que vous gagnez beaucoup de temps en travaillant avec une main pendant qu’avec l’autre vous tenez votre sandwich ?
Ne négligez pas vos pauses. Se balader sur l’heure du midi dans une étude, c’est l’assurance de croiser des collaborateurs scotchés à leur bureau, en train de grignoter sur le pouce et pensant avancer plus vite sur leurs dossiers. En réalité, les pauses permettent de diminuer le stress et donc d’être plus productif. C’est aussi un moment convivial à partager entre collaborateurs, ou tout simplement pour changer d’air. Et puis franchement, vous pensez vraiment que vous gagnez beaucoup de temps en travaillant avec une main pendant qu’avec l’autre vous tenez votre sandwich ?
Apprenez à dire non. Si ce qu’on vous demande n’est pas une priorité, affirmez vous et dites non. Poser des limites vous permettra de vous assurer de rendre un contenu de qualité. Vaut-il mieux rédiger deux actes parfaits dans la journée, ou en rédiger quatre bourrés de fautes qu’il faudra reprendre après ? Faites le calcul, et préparez des justifications factuelles à votre refus. Cela prouvera également que vous maîtrisez votre travail.
On ne le dira jamais assez, mais faire du sport détend, et booste la productivité. Plus d’excuse : c’est à la fois un bon moyen de décrocher du boulot à la sortie du bureau et un moyen d’améliorer sa productivité à l’étude.
Et si en tant que patron vous souhaitez aider vos collaborateurs, il existe plusieurs méthodes. Vous pouvez ainsi inscrire l’étude à des formations de gestion du temps, des conflits, du stress, remettre en question l’organisation du travail, demander leur ressentis à vos collaborateurs. L’important est de se pencher -enfin- sur la question.
Si finalement après avoir lu tout ça, vous voulez toujours aller élever des chèvres dans le Larzac, je termine avec une image de ce à quoi pourrait ressembler votre future vie :
