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Le syndrome du scarabée existe-t-il dans le notariat ?

Vous avez déjà ressenti ce sentiment d'injustice lorsqu’un de vos collègues a été promu notaire salarié ou notaire associé alors qu’il n’avait pas, on peut se le dire entre nous, le niveau ? Vous ressentez une incompréhension par rapport à certaines promotions ? Vous ressentez peut-être les effets collatéraux de ce qu’on appelle le syndrome du scarabée. D’après une étude de 2017 « Coléoptères : promotion biaisée et persistance de fausses croyances » que l’on doit à George Akerlof - prix Nobel d’économie en 2001, rien que ça - et à Pascal Michaillat, professeur d’économie à l’université Brown aux Etats-Unis, les promotions au travail s’expliqueraient par un double phénomène de similarité et de rejet de l’hétérogénéité. En d’autres termes, les managers auraient tendance à favoriser les collaborateurs qui leur ressemblent, au détriment des autres. Le monde du notariat n’y échappe pas. Explications.



Le syndrome du scarabée, ça consiste en quoi exactement ?


Dans les années 50, des chercheurs qui étudient la vie des insectes ont mené des expériences avec plusieurs espèces de coléoptères. Le principe était simple : enfermer deux couples d’espèces différentes dans un espace de vie propice à leur développement et observer. Les chercheurs s’attendaient à ce que le couple le plus adapté à l’environnement se développe plus vite que l’autre et voit son espèce prédominer, génération après génération. Dans les faits, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé.


En réalité, l’une ou l’autre des espèces finissait bien par prédominer, mais pas parce qu’elle s’adaptait mieux. L’équipe de chercheurs s’est rendu compte que les coléoptères, s’ils sont connus pour manger leurs propres œufs, étaient encore plus enclins à manger les œufs des autres. Et c’est ce qui s’est passé, sauf pour les scarabées. En laissant plus souvent leurs œufs grandir, les espèces de scarabées favorisaient leurs congénères ou leurs semblables jusqu’à faire totalement disparaitre les autres.


George Akerlof et Pascal Michaillat sont partis de ce constat. Ils étaient persuadés que ce phénomène pouvait également s’appliquer à l’espèce humaine. Dans leur premier article, les deux économistes se sont intéressés au domaine scientifique. Ils sont arrivés à la conclusion que les scientifiques renommés avaient tendance à privilégier les jeunes scientifiques qui adhéraient à leur théorie, et au contraire à exclure ceux aux points de vue divergents ou opposés.


Dans leur étude de 2017, ils vont encore plus loin :

« L’hypothèse clé de notre théorie est un phénomène que l’on appelle l’homophonie, c’est-à-dire que les gens favorisent ceux qui leur ressemblent. Et bien sûr, cela s’observe également dans le monde de l'entreprise, en particulier lorsqu’il s’agit de choisir quel collaborateur obtiendra une promotion ».

Selon cette théorie, les managers et les dirigeants auraient tendance à garder le pouvoir pour ceux qu’ils considèrent comme leurs semblables. Ces ressemblances peuvent être de l’ordre des études, du milieu social, de la vision, de la stratégie de l’entreprise, ou encore du genre. Aux « bons éléments » de l’entreprise seraient donc préférés les éléments appartenant au bon groupe. En simplifié : pour obtenir une promotion, il faut faire partie du groupe dominant. Le fait de provenir d’un autre milieu social, d’une autre formation suffit parfois pour être considéré comme trop différent. L’inconnu fait encore -malheureusement- peur.

Le syndrome du scarabée : bonne ou mauvaise chose ?


On peut considérer que l’homogénéité des profils favorise la coordination, la pérennisation des règles et des profils établis au sein de l’entreprise. Mais les aspects positifs s’arrêtent là. Pour les deux économistes, les désavantages de ce syndrome inconscient l’emportent largement sur ces quelques avantages.

Selon eux, trop d’homogénéité tue l’innovation et mène « à la surspécialisation de l’ensemble des employés dans un domaine précis, ce qui réduit d’autant leurs champs de vision et d’intervention. » En d’autres termes, ne faire passer notaire salarié ou associé que le même type de profil aura un impact négatif sur l’émergence d’idées neuves au sein de l’étude. Sur le long terme, les études dans lesquelles le syndrome du scarabée existe créées leur propre obsolescence et ne s’adaptent pas au monde réel, avec comme conséquence directe de se faire dépasser par des études plus jeunes dans lesquels les notaires ne sont pas (encore ?) trop impacté par ce syndrome.


De plus, ces économistes considèrent que le syndrome du scarabée conduit également aux inégalités entre les hommes et les femmes, qu’il s’agisse des promotions ou des négociations pour une augmentation.

« Notre modèle de calcul permet de comprendre pourquoi en Occident les organisations dirigées par des hommes le sont, en général, ad vitam æternam. C'est que le syndrome du scarabée les pousse à promouvoir ceux qui leur ressemblent, et donc, à rejeter le sexe opposé »

Cela expliquerait en partie pourquoi jusqu’à très récemment, une grande majorité des notaires associés étaient des hommes, alors même que les promotions universitaires étaient de plus en plus féminines. Seule la loi dite Macron a permis de bouger les lignes et de permettre aux femmes de s’installer en nombre en tant que notaire.



Comment lutter contre ce syndrome du scarabée


Nous souffrons tous de ce mal insidieux. Mais alors, comment lutter contre ?


Dans leur étude, les deux chercheurs recommandent aux entreprises de composer des entités représentant toute la diversité des salariés de façon égalitaire, par exemple pour recruter un nouvel associé. « Imaginons qu’il y a plus d’hommes que de femmes dans la direction de l’entreprise et qu’en plus un homme est chargé des processus de recrutement. Il aura naturellement tendance à privilégier un candidat issu du même milieu social et de même sexe que lui. » détaille Pascal Michaillat. « En revanche, si c’est un duo composé d’un homme et d’une femme qui recrutent, les préjugés de l’homme et de la femme s’annuleront. »


Gardez bien en tête que la diversité au sein d’une étude favorise l’innovation, la curiosité, le savoir-être de chacun, et permet de trouver des solutions plus efficacement. Ainsi, la manière la plus efficace de lutter contre ce syndrome est de forcer sa nature et de chercher à prioriser la diversité. C’est parfois contre-intuitif, mais il faut résister à l’envie de s’entourer de gens qui nous ressemblent pour privilégier les collaborateurs ou les associés avec des idées et profils divergents qui vous permettront de performer au sein de l’étude.



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